Découverte de la plus compacte des galaxies

  

  

 

  

 

Découverte de la plus compacte des galaxies

C'est quelque part dans l'amas de la Vierge. Derrière cette expression curieuse se

cache tout simplement une région de l'espace située dans la constellation de la Vierge et qui regroupe environ 1 500 galaxies (d'où le nom d'amas). Parmi elles, M60, l'immense fleur blanche et mauve sur la photographie ci-dessus, qui est une grande galaxie elliptique située à quelque 60 millions d'années-lumière de nous. Disons, pour mieux nous faire une idée de cette distance, que la lumière que nous recevons de M60 aujourd'hui a été en réalité émise peu de temps après la disparition des dinosaures sur Terre.

 

Ce n'est pas exactement cette galaxie qui nous intéresse mais une de ses minuscules voisines, le petit point blanc qui a été encadré et grossi sur le cliché. Les astronomes qui en ont fait la découverte en 2012 à l'aide du télescope spatial Hubble lui ont donné le nom de M60-UCD1. Le "UCD" en question signifie "ultra-compact dwarf", c'est à dire galaxie naine ultra-compacte. L'objet ne paie pas de mine, son diamètre avoisinant les 150 années-lumière. A titre de comparaison,

notre galaxie, la Voie lactée, mesure environ 100 000 années-lumière d'un bout à l'autre de ses bras spiralés. Mais, malgré sa petite taille, M60-UCD1 totalise quelque 200 millions de fois la masse du Soleil et s'avère 15 000 fois plus dense que la région galactique dans laquelle nous nous trouvons. En moyenne, ses étoiles sont 25 fois plus proches les unes des autres que le Soleil l'est de ses voisines. C'est à se demander si l'on peut parler de nuit noire sur les planètes de M60-UCD1...

Le type particulier de structure qu'est la galaxie naine ultra-compacte n'a été identifié qu'à la toute fin du XXe siècle grâce à l'utilisation d'instruments plus performants. Certains chercheurs doutent d'ailleurs que ces modestes assemblages d'étoiles méritent la dénomination de galaxies tant leur taille est modeste. Ils leur verraient plutôt un lien de parenté avec un autre type de structure, les amas stellaires, que l'on retrouve par dizaines dans notre galaxie.

Cette vision des choses pourrait bien disparaître, et justement à cause de M60-UCD1. Dans l'étude qu'elle vient de lui consacrer, publiée dans le numéro du 20 septembre des Astrophysical Journal Letters, une équipe américano-australienne révèle que ce groupe d'étoiles extrêmement dense possède en son centre une puissante source de rayons X.

Deux causes pourraient expliquer ce phénomène : soit il s'agit d'un trou noir géant analogue à ceux que l'on trouve dans le noyau de la plupart des galaxies (y compris la nôtre), soit il s'agit de ce que les astronomes appellent une binaire X, un couple infernal formé d'une étoile à neutrons et d'une étoile "normale" dont la matière arrachée par son compagnon est fortement chauffée et rayonne dans le domaine des X.

Pour ces astronomes, l'hypothèse du trou noir est nettement plus probable que l'autre, ce qui leur permet d'échafauder le scénario suivant. A l'origine, M60-UCD1 était une galaxie banale, 50 à 200 fois plus massive qu'aujourd'hui. Mais elle se trouvait au mauvais endroit : subissant l'influence gravitationnelle d'une ou de plusieurs galaxies environnantes

elle a été obligée à un strip-tease d'étoiles. Ces effets de marée l'ont peu à peu dépouillée de l'essentiel de son matériel stellaire et il n'est plus restée d'elle que son noyau ultra-dense avec son trou noir central. Un ensemble trop compact pour être déchiqueté. Comme il ne reste plus aucune trace de ce hold-up stellaire, les astronomes en concluent que ce dernier s'est probablement produit il y a des milliards d'années.

  

Si d'autres mesures viennent confirmer la présence de ce trou noir, M60-UCD1 détiendra le record de la galaxie la plus dense jamais découverte. Comme l'explique l'un des auteurs de cette étude, Jay Strader (université d'Etat du Michigan), "les voyages interstellaires seraient nettement plus faciles dans M60-UCD1 qu'ils ne le sont dans notre galaxie", ce en raison des distances nettement plus courtes que l'on trouve entre les étoiles. Ce jeune chercheur précise toutefois que ces hypothétiques voyages "prendraient tout de même des siècles" si l'on utilisait les modes actuels de propulsion spatiale...

  

Pierre Barthélémy Passeur de sciences